Le particulier, nouvel « indic » de l’administration fiscale ?
Le décret du 15 mai 2019 vient d’officialiser et de pérenniser une pratique mise en place à titre expérimental par la loi de finances pour 2017 permettant à l’administration fiscale de rémunérer les aviseurs fiscaux. Ce système n’est pas une nouveauté au sein des pays membres de l’OCDE. Les services tentent de s’adapter en se dotant de nouveaux dispositifs eu égard au niveau de technicité des montages imaginés aux fins d’écarter l’imposition. On note également une harmonisation des outils répressifs puisque la police, la gendarmerie et la douane y ont déjà recours.
Ce nouveau pas témoigne de la volonté du législateur de sanctionner ceux qui tentent de se soustraire à l’impôt, et ce, même par des voies inquisitoriales. Cette mouvance est ressentie dans toute l’Europe d’une part avec la mise en place, par la convention fiscale internationale de l’OCDE en vigueur depuis le 1er janvier 2018, d’un procédé d’échange automatique de données entre les services des impôts des États membres, d’autre part, avec la multiplication de directives européennes visant à lutter contre la fraude fiscale.
o Quel est le champ d’application du dispositif ?
L’article 1er du décret dispose que « La Direction Générale des Finances Publiques peut indemniser toute personne étrangère aux administrations publiques qui lui a fourni des renseignements ayant conduit à la découverte d’un manquement mentionné au 1er alinéa du I de l’article 109 de la loi du 29 décembre 2016. »
Les conditions requises sont assez souples, le but étant de donner au mécanisme toute son efficacité.
L’auteur de la dénonciation devra être identifié pour être rémunéré, ce qui suppose qu’il n’ait pas adressé les informations de manière anonyme. Le décret indique les infractions concernées : ce sont notamment les infractions de fraude fiscale (non-déclaration de comptes bancaires à l’étranger, bénéfices d’entreprises sises dans des États non coopératifs) et de corruption d’agents publics étrangers mais on trouve également des infractions plus courantes telle que la domiciliation fictive à l’étranger. Une extension aux cas de fraudes à la TVA pourrait être intégrée dans la prochaine loi de finance (attention aux joueurs de poker non résident qui vivraient secrètement en France). Les informations doivent revêtir un caractère sérieux et grave, elles doivent être précises afin de justifier un début d’enquête permettant aux agents de vérifier la réalité des soupçons du délateur.
Ainsi, l’administration fiscale destinataire de telles informations est parfaitement en droit d’engager des procédures de contrôle fiscal à l’encontre des personnes accusées : une vérification de comptabilité pour les entreprises et un examen de la situation fiscale personnelle pour les personnes physiques, ces contrôles pouvant bien entendu être mis en œuvre cumulativement.
Concernant la rémunération de l’informateur, le Directeur Général des Finances publiques est compétent pour fixer un montant au vu de l’impôt éludé en accord avec le Directeur de la Direction Nationale d’Enquête Fiscale. D’après le rapport du 5 juin 2019 est sans appel : en deux ans déjà plus de 90 millions d’euros ont été recouvrés. Le décret a supprimé le plafond maximum d’indemnisation fixé à un million d’euros, de quoi garantir l’attractivité du dispositif et inciter à la dénonciation massive…
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